Monnaies d'Ancien Régime


L'Ancien Régime utilisait, comme l'on sait, des monnaies consistant en pièces métalliques d'or, d' argent ou de cuivre. Il s'agissait là des monnaies dites réelles. On connaissait aussi une monnaie dite idéale ou monnaie de compte, la livre tournois, qui était dépourvue de toute forme matérielle. Un louis, un écu valaient un certain nombre de livres. A l'origine, la livre était définie par son propre poids d'argent, en fait 490 grammes sous Charlemagne. Mais on n'avait jamais vu un objet tangible appelé livre et pesant 490 grammes.
Au 1er septembre 1715, la valeur de la livre, en grammes d'argent, est de 7,90, mais il n'existe pas davantage d'objet appelé livre et que l'on puisse se passer de main en main. La livre n'est qu'un mot inscrit sur des pièces, précédé d'un nombre que le souverain peut modifier à sa guise sans changer la pièce, de même qu'il peut apposer le même chiffre sur une pièce différente de la première par son poids et son titre. Lorsque le souverain frappe des pièces de métal- il perçoit, outre les frais de fabrication, un droit appelé seigneuriage, et qui constitue son bénéfice (l'ensemble du droit et des frais s'appelle la traite. Il peut ne le percevoir qu'une fois et cette méthode est la plus recommandable car elle se rencontre le plus souvent avec l'invariance (souhaitable) de l'étalon monétaire. Mais il arrive aussi que le souverain prélève le seigneuriage à diverses reprises, en prescrivant soit la refonte, soit la remarque de la monnaie. Il suffit, pour cela. qu'il attribue au même poids de métal une valeur nominale plus forte et qu'il garde la différence. Beaucoup de manipulations monétaires n'ont souvent d'autre objet que de procurer ainsi une rentrée au trésor. Il peut arriver cependant que l'état poursuive un double but : par exemple, ranimer l'économie par un coup d'inflation. et en même temps prélever son bénéfice au passage. Dans cette conception schématique, l'état a toujours intérêt à augmenter la valeur nominale du gramme d'or ou d'argent, opération appelée à l'époque haussement des espèces et aujourd'hui dévaluation.
L'équivalence de ces deux termes apparemment contradictoires peut surprendre les profanes. Il faut avoir dans l'esprit la distinction que nous venons de rappeler entre la monnaie réelle (louis, écu, etc.) et la monnaie de compte (livre). En haussant les espèces, monnaie réelle de métal, on dévalue la livre, monnaie idéale de compte.
Ainsi, dans l'opération de décembre 1715 (qui annule celle de Desmarets) le louis passe de 14 à 20 livres - il est donc haussé (par rapport à la livre). Mais la livre elle-même est baissée dévaluée par rapport au louis : 1/20 au lieu de 1/14. Du fait que le haussement des espèces est la forme normale de la perception répétée du seigneuriage, on pourrait déduire que les manipulations des monnaies vont toujours dans le même sens : hausse du métal baisse de la livre. Et c'est bien en effet la tendance générale, comme nous le voyons par rénorme dévaluation de la livre au cours des siècles Mais il advient aussi que l'Etat procède à l'opération inverse : la diminution des espèces métalliques, c'est-à-dire l'augmentation, la réévaluation de la livre. Quel intérêt peut-il donc y trouver? Le plus souvent, cette opération est savamment liée à la précédente. On diminue : par exemple, le louis passe de 20 a 19, et on annonce qu'il passera ensuite à 18, à 17, etc. Le porteur rapporte donc ses pièces à l'hôtel des Monnaies puisqu'elles risquent de diminuer davantage jusqu'au moment où elles seront décriées, c'est-à-dire mises hors de service. L'Etat frappe de nouvelles espèces "en augmentation" et garde ainsi la différence de la valeur en métal. Ce mécanisme se prête à des combinaisons très variées, comme on le verra amplement par l'expérience de Law. Cependant il peut arriver que la diminution ne soit pas liée à une opération jumelée de haussement. Dans ce cas, il s'agit d'une réévaluation sans bénéfice pour l'Etat, sans seigneuriage. Elle est décidée en vue d'obtenir un résultat économique déterminé, tel que l'amélioration du change ou la baisse des prix extérieurs. C'est une technique analogue à celle de la déflation pratiquée par Pierre Laval en 1935 et dans une certaine mesure comparable à ce qu'on appelle aujourd'hui un plan de stabilisation, à ceci près que nous préférons agir aujourd'hui par les restrictions de crédit ou par la voie fiscale plutôt que par le changement de valeur nominale des espèces, peu praticable avec une monnaie de billets

extrait tiré de La banqueroute de Law - Trente journées qui ont fait la France par Edgar Faure

en fond d'écran: double tournois de 1642

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Le "Système" de Law

John Law, économiste et aventurier écossais, introduisit pour la première fois en France la monnaie papier sur une grande échelle sous la Régence de Louis XV en 1719-1720, en remplacement des pièces d'or et d'argent (les premières devant être totalement supprimées) - le "système de Law".
Avant son échec retentissant (Juillet 1720) dû à un abus de la planche à billets, le "Système" avait pénétré les provinces dans le domaine des... actes notariaux. On trouve donc pendant quelques mois des mentions de règlements effectués en billets, dont les numéros sont en général précisés. En particulier, s'accompagnant d'une baisse significative et rétroactive (à 3 ou 2%) des taux d'intérêts, il a donné lieu à une grande braderie des dettes paysannes, remontant souvent à plusieurs décennies, soldées à partir de février/mars... ce qui aura apparemment un effet social non négligeable dans les campagnes.
Si certains de ceux qui liront ces pages possèdent dans leurs archives personnelles, certains actes de cette période, contenant des exemples d'utilisation de billets ou de solde d'anciennes dettes, concernant le Nord de l'Hérault, le Sud du Rouergue ou l'Est de l'Eure-et-Loir, je les remercie d'avance de me contacter

Un billet de la Banque Royale















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Celui qui veut tout défendre, ne défend rien; et celui qui veut être l'ami de tous, se retrouve finalement sans amis
le Grand Frédéric de Prusse




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